
Cérémonie de commémoration du massacre du 7 octobre à l'Université de Tel-Aviv
Lundi 7 octobre 2024, un an après le massacre perpétré par les terroristes du Hamas et alors que la guerre fait rage plus que jamais en Israël, la communauté de l’Université de Tel-Aviv s’est réunie pour honorer la mémoire des victimes de cette tragédie, ainsi que celles des militaires tombés au combat au cours de la guerre des Épées de Fer qui s’en est suivie. La cérémonie, intense et poignante, s’est déroulée dans l’auditorium Smolarz bondé, avec la participation des familles en deuil, de la direction de l’Université, et des étudiants et des membres du personnel académique et administratif.
Au cours de cette journée abominable, plus de 1200 personnes ont été tuées, en majorité des civils, et 251 autres prises en otages par le Hamas. En tout, lors de l’année écoulée depuis le début de la guerre, 1684 civils et soldats ont été tués, et 101 otages sont encore prisonniers du Hamas à Gaza. Au cours de la cérémonie, des étudiants du Département de théâtre et du Département d’architecture ont procédé à la lecture des noms des 96 disparus de l’Université de Tel-Aviv pendant la guerre des Epées de Fer.
96 familles de l’UTA touchées directement
Dans le hall de l’auditorium étaient exposées les photos des 96 membres de la communauté de l’Université victimes des massacres du 7 octobre, ou tombés au combat depuis.
La cérémonie a débuté par la mise en berne du drapeau d’Israël, et une minute de silence. Le Prof. Meir Ariel, de la Faculté d’ingénierie, dont le fils Dan Ariel a été assassiné le 7 octobre lors de l’horrible massacre du Festival Nova, a déposé une couronne commémorative au nom de l’université.
« Un an s’est écoulé depuis la plus terrible calamité qu’Israël a connu dans son histoire, le pire désastre pour le peuple juif depuis l’Holocauste », a déclaré le Prof. Prof. Ariel Porat, président de l’Université. « L’Université de Tel-Aviv a perdu 19 de ses étudiants. 96 familles de sa communauté ont été touchées directement par la perte d’un de leurs proches, époux, fils ou fille, et beaucoup d’autres souffrent de blessures physiques ou psychologiques. Avec l’ouverture de l’année universitaire, nous attendons de nombreux étudiants qui ont risqué leur vie pour nous défendre, certains d’entre eux ayant été profondément marqués par la guerre dans leur corps ou dans leur âme. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour leur facilité leur retour sur le campus, et les aider à réussir dans leurs études ».
Les forces de la société israéliennes
Le Prof. Porat ajoute que malgré les nombreux défis, les forces qui sont apparues dans la société israélienne suscitent en lui un réel espoir : les qualités exceptionnelles de tant d’Israéliens, en particulier de la jeune génération, et la solidarité face aux dangers vitaux par-delà nos dissensions, qui fait la force de notre société ; notre puissance militaire, soutenue par des capacités technologiques exceptionnelles. Malgré le terrible échec du 7 octobre, notre armée israélienne et nos forces de sécurité ont su se relever et à montrer au monde qu’Israël n’est pas vaincu. Enfin, la résilience surprenante de la démocratie israélienne, malgré les fissures qu’elle a subies.
Pour conclure, le Prof. Porat insiste sur le fait que nous ne pouvons pas nous engager sur la voie de la reconstruction et de l’espoir sans ramener les otages à la maison. La libération des otages est non seulement une obligation morale, mais un objectif stratégique. En plus du commandement religieux du rachat des prisonniers (Pidyon Chevouim), l’ethos de l’armée israélienne est de ne pas abandonner derrière soi de frères d’armes blessés. « Sans cet ethos, sans la solidarité comme valeur primordiale, l’État d’Israël ne sera plus jamais le même ».
« Beaucoup d’entre nous sont nés de parents ou de grands-parents venus sur cette terre avant la création de l’État, qui se sont battus pour qu’il devienne réalité. C’est maintenant à nous de le protéger, chacun à sa manière et selon ses capacités ».
« Un coup frappé à notre porte nous fera plonger dans l’abîme »
Daniel Zilber, présidente de l’Association des étudiant.es de l’Université de Tel-Aviv, rappelle que pas plus tard que jeudi dernier, l’Université a perdu un autre étudiant, Jonah Krosis, qui allait débuter sa 5e année d’études d’architecture, ainsi qu’Inbar Segev Vigder, épouse de Yaari Vigder, doctorant en statistiques, dans l’horrible attentat terroriste de Jaffa : « Nous vivons une situation absurde, où nous essayons de combiner notre vie quotidienne avec la réalité d’une guerre sanglante. Le 7 octobre a transformé notre réalité. Elle a fait de nous une génération endeuillée. Pour notre génération, la guerre est devenue non seulement un récit du passé, mais notre présent. Nous ne nous contentons pas de nous souvenir de ceux qui sont tombés, nous essayons de perpétuer leur héritage ».
La cérémonie s’est poursuivie par des témoignages de parents et d’amis qui ont perdu des êtres chers. Itai Silber, père du Lieutenant Yuval Silber, étudiant en année préparatoire d’ingénierie électrique de l’Université de Tel-Aviv, tombé au combat dans une bataille au nord de la Bande de Gaza, a fait son éloge mortuaire dans une vidéo.
« Imaginez une journée torride. Le bataillon 7007, au début de la manœuvre terrestre de Tsahal à Gaza, traverse la barrière frontalière et entre en territoire ennemi. Le bataillon se dirige vers la zone du danger pour capturer le groupe Palestine, à l’origine des horreurs du 7 octobre. La mission sera accomplie avec succès. Dans l’après-midi le drapeau israélien flottera sur le poste. Mais dans la soirée, un coup frappé à notre porte nous fera plonger dans l’abîme.
« Je demande à chacun de choisir la vie »
Yuval est mon fils aîné. Il avait 25 ans lorsqu’il est tombé. C’était un enfant fin, spirituel, intelligent, drôle, vif d’esprit, avec un grand cœur, qui réussissait tout ce qu’il entreprenait. Après une année de volontariat communautaire, il rejoint le 50e bataillon de la brigade du Nahal, suit un cours de commandant d’escadron, puis une formation d’officier. C’est ce dont il a rêvé pendant toute sa vie : commander des combattants de Tsahal. Démobilisé fin mars, il passe les examens psychométriques d’entrée à l’université et part en Inde, puis en Thaïlande ».
Quand la guerre éclate, Yuval interrompt son voyage, rentre en Israël, et le lendemain se présente à sa base. « Yuval a toujours été une personne hyper-sociable. Sa vie a toujours tourné autour de ses amis. Le jour des funérailles, la rue était bondée de milliers de personnes avec des drapeaux. C’était incroyablement émouvant. Ensuite, jusqu’à l’Ayalon, une chaîne humaine de près de dix mille personnes nous ont accompagnés pour ses funérailles ».
« Yuval m’a beaucoup appris. J’ai choisi la vie. Je demande à chacun de choisir la vie. Choisissez la vie avec amour, et « aimez votre prochain comme vous-même », car c’est le principal ».
« Ce moment horrible où sa vie s’est terminée »
Gal Itzkovitz, étudiante en sciences sociales, a parlé de son amie Bruna Valeanu, étudiante du Département de communication et du Département d’anthropologie, assassinée lors du massacre du Festival de musique Nova à Reïm le 7 octobre.
Née au Brésil, Bruna a réalisé son rêve d’adolescence et fait son alyah à l’âge de 15 ans, en 2014, passant de la grande ville de Rio de Janeiro, à la petite cité de Petah Tikva, avec sa mère et sa sœur : « Bruna a terminé ses études secondaires en parlant un hébreu parfait, et, avec ses yeux bleus et son regard qui voulait toujours étudier et apprendre, tout le monde tombait amoureux d’elle au premier regard. Juste après le lycée, elle s’est engagée dans l’armée et est devenue instructrice de tir dans les blindés, appréciant chaque instant de son service militaire. Lorsqu’elle a été démobilisée, elle est partie voyager en Amérique du Sud, entre autres au Brésil pour rendre visite à sa famille. Elle y a passé plusieurs mois et, à son retour en Israël, a réalisé qu’elle voulait faire des études et a choisi l’Université de Tel-Aviv. Elle a déménagé dans la grande ville, travaillant pour subvenir à ses besoins et pour aider sa famille. Au cours de sa première année d’études, Bruna a acquis des connaissances et s’est également fait des amis pour la vie. A la fin de l’année universitaire, elle a décidé de se rendre avec ses amis au Festival Nova ».
« Elle ne savait même pas exactement où cela allait se passer, juste que c’était dans le sud du pays. Elle est arrivée à la fête relativement tard en voiture avec deux amis du travail, Yair et Liam. Puis vint 6 h 30 du matin, l’heure maudite. Yair a décidé de rentrer chez lui après les premières sirènes, Bruna et Liam ont choisi de ne pas le rejoindre. Dans un monde parfait, c’est la bonne chose à faire : ne pas monter dans une voiture avec un conducteur ivre. Mais lui est parvenu à rentrer chez lui en vie. Bruna et son amie se sont caché pendant près de trois heures jusqu’à ce moment horrible où sa vie s’est terminée ».
40 jours à Gaza
« Nous avons appris sa mort le mardi 10 octobre 2023. C’est un moment qui restera gravé dans ma mémoire pour toujours. Bruna a laissé derrière elle une grande lumière. Elle souriait toujours, c’était la personne la plus rayonnante que j’aie jamais rencontrée. Toujours chaleureuse, accueillante et aimante, sachant exactement quoi dire. Elle me manque terriblement. Elle manque énormément à l’université, dans ma vie et dans celle de tous ceux qui l’ont croisée. Pour moi, ce n’est pas seulement une amie, mais un modèle de jeune femme pure, optimiste, aimée et souriante. J’ai eu la chance d’être son amie pendant cette année incroyable. Elle avait tellement d’aspirations et de rêves. Je me suis promis que tant que je serai en vie, je n’abandonnerai pas mes propres rêves, et j’essaierai de profiter de la vie autant que possible, comme Bruna l’aurait fait, pour elle et pour moi ».
En fin, Gil Lior, étudiant en médecine et doctorant en génétique du cancer, a fait part de son expérience de réserviste dans l’unité Yahalom, unité spéciale du Corps d’ingénierie de combat : « J’ai servi dans les réserves pendant 40 jours. Mon équipe était chargée de missions telles que la démolition de structures et la localisation de puits et de tunnels. Le 7 octobre, je me suis réveillé chez moi à Ramat-Aviv au son des sirènes. Le nombre et la fréquence des roquettes et des interceptions m’ont fait réaliser que quelque chose d’inhabituel se produisait. J’ai ouvert mon téléphone et les nouvelles ont commencé à affluer, alors que je commençais à saisir l’ampleur de l’événement et la catastrophe qui nous avait frappés. Mes cousins, qui vivent dans le moshav de Yesha dans l’enveloppe de Gaza, étaient dans leur abri. Les proches de mon directeur de thèse ont été enlevés au kibboutz Be’eri et assassinés, et certains de mes amis étaient déjà rappelés dans leurs unités ».
Lior ne s’attendait pas à être appelé dans les réserves. « Lorsque vous commencez vos études de médecine, l’armée vous transfère automatiquement de votre corps d’origine au corps médical. En conséquence, je n’avais pas été affecté à une équipe de combat ni tenu un fusil depuis ma démobilisation il y a dix ans ».
Des soldats de dix-neuf ans et des réservistes de trente ans
Cependant, cinq jours après le 7 octobre, il reçoit un appel téléphonique de son ancien coéquipier de service régulier, qui lui expliqua que l’unité était à 120 % de mobilisation de réservistes et était en train d’ouvrir une nouvelle compagnie en raison des besoins sur le terrain, ajoutant que ses amis de service militaire s’étaient déjà portés volontaires. Après une courte hésitation, il rejoint l’équipe de combat 16, dirigée par le capitaine Hillel Shandor : « Le 7 octobre, Hillel était au Népal, en train d’escalader l’Everest. Il est revenu dans un hélicoptère privé et a pris le premier vol de retour vers Israël. Notre compagnie, créée par les nécessités sur le terrain grâce à des volontaires, était composée à la fois de soldats de dix-neuf ans qui n’avaient pas encore terminé leur formation et se préparaient au combat et de réservistes de trente ans déjà parents ».
Lior raconte que pendant la période d’attente à la frontière de Gaza, le sentiment était que tout le monde était derrière les soldats et voulait qu’ils réussissent : « Lors de ma première pause, lorsque nous avons été renvoyés chez nous pour 24 heures, je suis allé faire des courses, et je n’ai pas pu payer nulle part parce qu’aucun commerce ne voulait accepter de l’argent alors que j’étais en uniforme et que je portais un fusil ».
« À Gaza, nous avons démoli des bâtiments et localisé des tunnels. En moins de deux semaines, j’ai effectué plus d’activités opérationnelles que pendant toute ma carrière militaire. Personne ne se plaignait, même s’il avait de la fièvre ou de la diarrhée à cause du manque d’hygiène ».
Pourquoi nous avons toujours gagné nos guerres passées et pourquoi nous gagnerons aussi celle-ci
« Dès le début, lorsque j’ai vu les gens qui m’accompagnaient, l’esprit de volontariat et le fort soutien que nous recevions du reste de la population, j’ai compris pourquoi nous avons toujours gagné nos guerres passées et pourquoi nous gagnerons aussi celle-ci. J’ai réalisé, ce qui peut sembler un cliché mais se reflète certainement dans la réalité de la guerre, que la source de la force d’Israël, notre source de force, vient de notre peuple. Tant qu’il y aura des gens courageux et créatifs prêts à se porter volontaires et à se sacrifier pour les autres, nous survivrons et prospérerons ici pendant longtemps. Cette vision était particulièrement frappante par rapport à l’ennemi de Gaza, dont toute la doctrine de combat repose sur l’utilisation de civils comme boucliers humains, les sacrifiant pour atteindre ses objectifs. Un ennemi qui utilisait les écoles et les hôpitaux comme dépôts d’armes et sites de lancement de roquettes, exploitant délibérément le fait que nous réfléchirions à deux fois avant d’attaquer des cibles dans des zones peuplées. C’est ce qui nous différencie ».
« Lors du premier cessez-le-feu, j’ai été libéré pour retourner à mes études. Le soulagement s’est rapidement transformé en pression pour rattraper le temps perdu dans mes recherches si je voulais terminer mon doctorat à temps et retourner aux stages cliniques cette année. Comme vous le savez probablement, la plupart des étudiants de l’université travaillent en parallèle de leurs études. Mais je n’ai pas eu à m’inquiéter puisque mon allocation de doctorat et mon salaire d’assistant d’enseignement universitaire ont continué d’arriver malgré le report du semestre et mon absence. De plus, la bourse que nous avons reçue de l’université m’a donné le soutien financier nécessaire pour essayer de combler le manque avec autant de tranquillité d’esprit que possible.
Lorsque mon père était étudiant en médecine ici à l’université de Tel-Aviv et qu’il a été appelé comme réserviste pendant la première guerre du Liban, il a manqué trois semaines de stages à l’hôpital et a dû les rattraper pendant l’été et n’a pas bénéficié du même soutien que nous. Il est bon de savoir que nous nous améliorons et reconnaissons la contribution de nos réservistes.
Jusqu’à ce que cette guerre soit derrière nous
Pour conclure, je veux envoyer force et encouragements à nos soldats sur le terrain et à tous les réservistes de l’université, étudiants, professeurs et employés, qui ne savent pas quand ni comment ils seront rappelés. La semaine dernière encore, de nombreux réservistes ont été rappelés en raison de l’escalade dans le nord. Continuons à les soutenir, eux et leurs familles, jusqu’à ce que cette guerre soit derrière nous. Merci ».
En outre, une vidéo a été projetée présentant un morceau de musique spécialement composé par l’Orchestre Philharmonique d’Israël, à la mémoire du sergent Yuval Ben Ya’akov, un combattant dans les blindés tombé au combat suite à l’attaque brutale du Hamas le 7 octobre, fils de Haim Ben Ya’akov du Département des Relations extérieures de l’Université de Tel-Aviv.
Le public a été invité à se joindre au présentateur de l’événement, Itzik Ziat pour compter à haute voix jusqu’à 101, en rappel des 101 otages encore aux mains du Hamas.
L’accompagnement musical a été assuré par les étudiants de l’École de Musique Buchman-Mehta de l’Université de Tel-Aviv.